mercredi 26 février 2014

Médicaments contrefaits, population en danger!

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Medicament dans les rues de Port-au-Prince
Seulement 130 pharmacies détiennent un permis de fonctionnement dans le département de l’Ouest, alors que, rien que dans l’aire métropolitaine, 618 pharmacies vendent des médicaments sans l’autorisation du MSPP. Aucun chiffre disponible pour les marchands ambulants. Préoccupé, le président l’association des pharmaciens
haïtiens tire la sonnette d’alarme sur la commercialisation de médicaments contrefaits en provenance de la République dominicaine.

Le danger est réel et connu de tous. Un véritable problème de santé publique. Des médicaments contrefaits en vente libre un peu partout à travers le pays.  « N’importe quel individu peut vendre des médicaments dans les rues », a déploré le président de l’association des pharmaciens haïtiens. Frédéric Dénex n’a pas mâché ses mots pour critiquer  l’attitude des autorités sanitaires et de la sécurité publique qui, selon lui, n’ont rien fait pour faire cesser cette pratique.
   
«La commercialisation des médicaments contrefaits dans les rues par des petits marchands ne représente que la pointe de l’iceberg», a estimé Fréderic Dénex, intervenant la semaine dernière sur Radio Magik 9. Ils sont alimentés par des réseaux mafieux qui auraient des connexions jusque de l’autre côté de la frontière. « La ville de Boca en République dominicaine est spécialisée dans la fabrication de médicaments contrefaits vendus en Haïti », a-t-il fait savoir,  se référant aux résultats de nombreuses études  réalisées en ce sens. 

« Cela met en péril le métier de pharmacien », a-t-il dit. « Mais ce qu'est plus grave encore, a-t-il fait remarquer, ce phénomène peut avoir de graves conséquences sur la vie des consommateurs. Cela peut déboucher sur des épidémies graves. »  Il se souvient  de trois cas en particulier où des malades ont rendu l’âme à cause de l’injection d’un sérum contrefait. « Est-ce qu’on va attendre qu’il y ait beaucoup de cas pour se pencher sur le problème », s’est-il questionné, perplexe.
  
Selon la dernière liste publiée par le ministère de la Santé publique et de la Population, sur plus de 7 000 pharmacies réparties sur le territoire national, seules 161 détiennent une autorisation du ministère, a-t-il souligné. L’association des pharmaciens haïtiens travaille de manière à les identifier clairement au profit des consommateurs, a informé Frédéric Dénex.   
 
 Ce dernier dit regretter que plusieurs laboratoires installés préalablement en Haïti ont dû plier bagages à cause des difficultés rencontrées dans la distribution de leurs produits. Pour l’instant, il n’existe dans le pays que trois laboratoires qui respectent  les normes de fabrication et leurs produits ont un standard international, a avancé le président de l’Association des pharmaciens haïtiens.

Frédéric Dénex a par ailleurs invité les consommateurs à faire preuve de plus de vigilence en ayant recours  aux conseils des spécialistes avant tout achat de médicament.  

Le ministère de Santé publique est au courant du problème

Il existe des procédures de contrôle au niveau des douanes de concert avec les ministères du Commerce et de l’Intérieur, a indiqué au Nouvelliste la directrice générale du ministère de la Santé publique. Mais, « malheureusement il y a des circuits parallèles qui échappent à notre contrôle », a reconnu le Dr Marie Guilène Raymond Charite. Elle se dit consciente qu’il y a des médicaments contrefaits en vente sur le territoire. « On les retrouve. Nous appliquons maintenant des sanctions. On les reprend… Oui, on est conscient de cela », a-t-elle dit.

Le Dr Charite a souligné que la douane est connectée au ministère de la Santé publique. Pour faire venir en Haïti un médicament, l’intéressé doit suivre la procédure normale qui consiste, selon elle, à envoyer un manifeste et la douane doit recevoir du MSPP une autorisation pour « vous laisser rentrer avec votre produit… ». Prise dans une activité à l’hôtel Karibe, la DG a demandé  à la responsable du service d’inspection au MSPP de donner plus d’explications au Nouvelliste sur le dossier.

Selon la pharmacienne Judith R. Roche, chaque année les propriétaires des pharmacies doivent renouveler leur autorisation de fonctionnement. Jusqu’à la semaine dernière, seulement 152 pharmacies ont renouvelé leur permis. Mais la liste n’est pas exhaustive à cause des retardataires.

Au centre-ville de Port-au-Prince, seulement 45 pharmacies détiennent un permis de fonctionnement. Environ 20 à Delmas, 20 à Pétion-Ville. Au total, pour le département de l’Ouest, 130 pharmacies ont été autorisées par le MSPP à fonctionner. Parallèlement, rien que pour le département de l’Ouest, 618 pharmacies fonctionnent sans autorisation. Ce chiffre n’inclut pas les communes de Cité-Soleil, La Gonâve, entre autres, du département, selon des chiffres fournis par le MSPP.

Au niveau du ministère de la Santé publique, selon Judith R. Roche, on ne considère pas les pharmacies qui fonctionnent sans autorisation comme des pharmacies. « Ils sont des points de vente de médicaments », a-t-elle dit. Pour que cela soit une pharmacie, il faut qu’elle ait au moins une superficie de 25 mètres carrés, a-t-elle ajouté.

Une inspection de routine se fait chaque année sur l’administration des pharmacies et sur la qualité des médicaments, et les produits suspects sont saisis, a indiqué Judith R. Roche. Elle n’a pas voulu parler de ventes de médicaments  contrefaits sur le marché. La responsable a annoncé qu’une étude va être menée sur le dossier pour lequel un appel d’offres a été lancé.

Paradoxalement, à une question directe du Nouvelliste lui demandant si le MSPP est au courant que de faux médicaments en provenance de la République dominicaine se vendent en Haïti, elle a répondu oui.  « C’est pourquoi, à un certain moment, les laboratoires dominicains avaient du mal à être enregistrés chez nous », a-t-elle souligné

En 2010, les Dominicains avaient clairement fait savoir aux autorités haïtiennes que les produits qui quittent leur territoire ne les intéressent pas. Donc, il revient aux responsables haïtiens de contrôler ceux qui rentrent dans leur pays.

Par ailleurs, plusieurs responsables de pharmacie interviewés par Le Nouvelliste au centre-ville de Port-au-Prince et dans la commune de Carrefour ont indiqué que cela fait des années qu’ils n’ont pas reçu la visite d’un inspecteur du MSPP. Selon eux, les responsables du ministère de la Santé publique doivent résoudre le problème de la vente des médicaments dans les rues. « Nous, on a un endroit connu, une adresse où l’on peut nous localiser. C’est pourquoi on n'a aucun intérêt à vendre des médicaments contrefaits. Par contre, les marchands ambulants, eux, c’est tout le contraire… », ont-ils dit. 

Plusieurs tentatives du MSPP pour contrôler la vente des médicaments, exposés en permanence au soleil et à la poussière dans les rues, sont restées infructueuses. Il faut souligner que dans certaines « pharmacies » les produits ne sont pas mieux entretenus. 

Robenson Geffrard et Danio Darius 
Source: Le Nouvelliste

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