dimanche 23 février 2014

Piqûres de rappel pour Martelly

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Roberson Alphonse
Sans avoir l’opportunité de consulter les chiffres, il est facile d’affirmer que la facture des voyages du président Michel Joseph Martelly a déjà pulvérisé tous les records dans les annales de la République. 

Martelly, peu regardant au coût pour le Trésor public en billets d’avion, frais d’hôtel, per diem, marque la présence d’Haïti sur la scène internationale. Il se fait des amis fréquentables, utiles. 

Dans le dossier de dénationalisation de Dominicains d’ascendance haïtienne, au-delà de la condamnation de principe de l’arrêt raciste 168-13 du tribunal constitutionnel dominicain, Martelly et son carnet d’adresse d’hommes et de femmes d’Etat de la Caraïbe ont pesé. 

D’un autre côté, le grand amour pour Caracas, la pompe à fric de la région, n’a pas empêché la visite du président haïtien au bureau Ovale. Barack Obama, son homologue américain, a réaffirmé son soutien au peuple haïtien, relevé quelques progrès, quatre ans après le séisme, noté l’annonce de la tenue d'élections cette année. Barack Obama, avec ses grandes oreilles, a aussi écouté l’engagement du président Martelly à faire d’Haïti « un Etat démocratique fort ». 

Cependant, entre Washington et son périple européen cette semaine, Martelly est resté en « désobéissance assumée » à la Constitution sur le dossier des juges de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA). Sur la corde raide, le chef d’Etat haïtien est tombé sur un Sénat intraitable. Il n’y a pas eu de signature de l’accord politique à l’issue du dialogue interhaïtien sous les auspices de la Conférence épiscopale. La faute à Martelly qui a ordonné, sans en avoir le droit, la publication d’une liste partielle de sept des dix juges.

Avec ce « petit faux pas » dans sa besace, Martelly a débarqué en Europe. Il charme les patrons du MEDEF, les invite à investir en Haïti, malgré de mauvais signaux en termes de gouvernance économique, de gestion saine et efficace des finances publiques. Pour les politiques, dont François Hollande, c’est l’Haïti qui veut faire les élections, qui s’engage dans la voie de la stabilité que le président Michel Martelly  présente.

La photo à l’Elysée avec le très impopulaire François Hollande avant les rencontres avec d’autres officiels européens, le pape François, fait du bien. Cela garnit un album présidentiel. Ces images sont différentes de celles dans lesquelles Haïti est souvent enfermée.

Ces jours-ci, l’Ukraine, le Venezuela, à la place d'Haïti, gavent la presse internationale d’images-chocs. En Ukraine, il y a du feu,  des morts, manifestants et policiers compris, avant l’accord qui met fin ce vendredi au siège de la place de l’indépendance, à Maidan. A Caracas, les opposants à Nicolas Maduro gagnent du terrain. Il y a des manifestants tués.La crise sociale s’enfle à mesure que les rayons se vident dans ce pays riche en hydrocarbure où le lait, le sucre, la farine, le papier toilette…manquent.

L’actualité en Ukraine, au Venezuela est donc une piqûre de rappel pour le président Michel Joseph Martelly. Il reste à savoir si  Martelly comprendra qu’il est dans son intérêt et dans celui du pays d’enlever les écueils, les irritants ou les prétextes à la remobilisation de l’aile radicale de l’opposition qui ne jure que par son départ et des élections générales.

Saura-t-il respecter cette « petite contestation politique »,éviter les confrontations, pour le plaisir de l'ego, à un moment où des indicateurs économiques, comme l’appréciation du dollar, annoncent des temps difficiles après le carnaval ?

Est-ce qu’il sait qu’un « grangou klowox » plus fort dans les tripes peut « chauffer » des têtes que ses adversaires récupéreront ? 

L’avenir le dira. Cependant, en évoquant la crise économique récemment dans une interview, le cardinal nouvellement créé, Chibly Langlois, donne la mesure de la situation aux politiques, à Martelly et au reste du pays. C’est une autre piqûre de rappel quand on sait que les belles poses aux côtés des grands du monde ne mettent pas le pain sur la table du père de famille de Bombardopolis, de Baie d’Orange, de Cité Soleil. Des pères chomeurs ou  qui gagnent moins de 2 dollars par jour, des voix potentielles au petit concert du « vle pa vle  fò l ale » que MOPOD et des militants de l’aile dure de Lavalas voudraient amplifier.

Roberson Alphonse
Source: Le Nouvelliste

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